Exorde
La Commission pour des libertés individuelles et l’égalité – COLIBE – a été créée , selon les sources officielles, à l’initiative du Président de la République Tunisienne en date du 13 août1 2017 afin d’élaborer un rapport sur les réformes liées aux libertés individuelles et à l’égalité, par référence aux dispositions de la Constitution de la République Tunisienne du 27 janvier 2014, aux normes internationales des droits de l’homme et aux nouvelles orientations dans le domaine des libertés et de l’égalité. Elle est composée de neuf membres 2 . Le rapport de la Commission remis à la Présidence de la République en date du 8 juin 2018 ne présente pas ses membres ni ne décrit les modalités de leur désignation ou les thèmes et sections du rapport dans lesquels ils sont plus particulièrement intervenus. Pour la plupart, les membres de la Commission sont des personnalités connues dans leurs domaines de spécialités avant qu’ils ne deviennent membres de la Commission ; une riche documentation les concernant est disponible : ouvrages, interviews, participations aux manifestations publiques, cursus académiques « wikipédiens » ou « linkiediniens », critiques, réalisations dans leurs domaines de spécialité et d’intérêt. Il ne sera pas question ici de reproduire ces informations mais de tenter de reconstituer le profil des membres de la commission dans la perspective d’une meilleure compréhension des propositions de la Commission en matière d’égalité dans l’héritage et, accessoirement, des libertés individuelles.
Ce article fait partie d’une série d’articles classés par ordre alphabétique comme suit 3 :
- Mme Bochra Bel Haj Hmida, également présidente de la commission, en cours
- Mme Dora Bouchoucha (7 juilet 2019) à laquelle est dédié le présent article
- M. Karim Bouzouita (8 juillet 2019)
- M. Abdelmajid Charfi, (18 juillet 2019)
- Mme Ikbal Gharbi (11 juillet 2019)
- M. Malek Ghazouani, en cours
- Mme Saloua Hamrouni, en cours
- M. Slaheddine Jourchi, en cours
- M. Slim Laghmani, (26 juillet 2019)
Résumé
Ayant commencé sa carrière en tant que bénévole aux Journées Cinématographiques de Carthage alors qu’elle n’avait que 16-17 ans, elle en assurera la direction en 2008, en 2010 et en 2014 après s’être initiée sur le tas au métier de productrice de cinéma — métier qui l’a choisi plutôt qu’elle ne l’a elle-même choisi, comme elle dit4 — en traduisant et lisant des scénarios pour Mohamed Ahmed Attia, le producteur des Silences du palais 5 . En 2017, elle a fait partie du Jury international de la Berlinale.
Si l’on devait attribuer une note mesurant le degré d’immersion du membre dans les sujets traités par la Commission et leurs soubassements juridiques, Mme Dora Bouchoucha pourrait n’obtenir que l’une des plus faibles notes tellement son parcours paraît atypique au regard de ceux des autres membres : diplômée de littérature anglaise, productrice de cinéma depuis 1994, pas d’activisme direct ou d’engagement particulier dans la lutte pour l’égalité homme-femme autrement que par le truchement des films qu’elle produit. Elle concédera au lendemain de la remise du rapport de la Commission, au mois de juin 2018, qu’elle n’a personnellement pas fait l’objet de discriminations ; oui, déclara-t-elle « Jamais de harcèlement ni de discrimination. Les cinéastes me racontaient tout, oubliaient que j’étais une femme » 6 .
Lorsqu’elle fut nommée à la Commission, elle s’était, très humblement, interrogée sur l’apport qu’elle pouvait donner au point de déclarer « Je pensais que c’était une erreur au départ, car je n’avais pas de compétence en droit. Finalement ç’a été une école formidable. » 7 Peut-être verra-t-on un jour dans l’un des films qu’elle produira un clin d’œil hitchcockien aux coulisses de la COLIBE.
Mme Dora Bouchoucha a été nommée au mois de juin 2018 à
l’Académie des Oscars.
Devise
Pas de citation favorite ou une devise connue
Distinction nationale
Grand Officier de l’ordre tunisien du mérite culturel (2010)
Officier de l’ordre de la République (2016)
Mme Dora Bouchoucha n’obtiendra pas comme ses 8 autres collègues membres de la Commission le 13 août 2018 une nouvelle distinction au titre de l’Ordre de la République en reconnaissance de ses travaux, au sein de la Commission, car, deux ans auparavant, jour pour jour, elle fut honorée, en tant qu’Officière, avec 11 autres compétences féminines. Un habile montage des services de la présidence de la République l’insérera cependant dans le cérémonial de la remise des médailles du 13 août 2018, y compris dans la photo officielle. Au regard de sa participation, le Grand Maître de l’Ordre, le Président de la République, aurait pu envisager de la décorer des insignes de Commandeur de l’Ordre de la République, le grade suivant celui d’Officier dont elle disposait déjà, à l’instar de quatre autres membres directement décorés de ces insignes8. C’est bien inélégant de la part de la part des services du protocole de la Présidence de la République et de ceux qui, depuis la Commission, ont formulé des propositions à ce sujet.
Droit des successions
Dorra Bouchoucha se positionne en faveur de l’égalité dans l’héritage et pour le dispositif proposé dans le rapport permettant à tout un chacun de choisir entre l’égalité prévue dans le projet de la Colibe ou le régime prévu dans le code du statut personnel. Elle s’étonne toutefois que le parti islamiste predominant Ennahdha n’a pas accepté les propositions du rapport de la Colibe après avoir dans un premier temps, fait part de son accord. L’extrait sonore ci-dessous9 ne précise pas en fait les raisons du rejet dont ont fait part les responsables consultés, car, ce rejet pourrait ne pas être lié à l’égalité en matière de succession, mais au fait que les règles du statut personnel qui actuellement s’appliquent automatiquement deviennent une option selon la proposition colibienne comme si le musulman devait confirmer par écrit qu’il est vraiment musulman au moins en matière d’héritage et le faire enregistrer par devant notaires assermentés, un baptême de fin de vie en quelque sorte comme n’ont pas manqué de le relever certains.
Expression politique
Au sujet de la révolution de 2011 et de l’après Ben Ali, le dictateur déchu, Dorra Bouchoucha déclarait à la veille des élections du mois d’octobre 2011 de l’Assemblée nationale constituante, que :
Le pays vit une grande effervescence, d’un parti unique nous sommes passés à plus de 100 partis. Après vingt-trois ans de dictature pour ne pas dire cinquante ans, Bourguiba était certes visionnaire et éclairé, mais il était dictateur. La transition de la dictature à la démocratisation prendra du temps, les vieux réflexes sont ancrés dans les mentalités et elles ne changent pas du jour au lendemain10.
Ces propos au sujet des régimes ante-révolution, ne masquent pas cependant une appréhension affirmée, quoique relativement modérée, à l’égard des politiques religieux dont la réussite aux élections d’octobre 2011 la surprendra autant que les amis et proches qui « étonnamment » voteront pour le parti Ennahdha. Suite à l’arrestation au mois de septembre 2013, de plusieurs artistes, elle dénoncera avec plusieurs autres personnalités Tunisiennes et étrangères dans un appel à leur libération, la « politique liberticide d’Ennahdha » 11 .
A distinguer
En réponse à la question de Ariane Lavrilleux, de l’hebdomadaire français Le Point, qui l’interviewait à la veille de l’hommage qui lui sera rendu pour l’ensemble de sa production cinématographique lors de la soirée d’ouverture d’El Gouna Film Festival (Égypte), et qui l’interpellait pour lui rappeler « […] vous étiez au centre de l’attention des garçons, et qu’il y a encore votre nom écrit sur les tables de l’école ! », Madame Dora Bouchoucha répliquera :
Oui. En tout cas moi je ne faisais plus de différence. On me pose beaucoup plus cette question en Europe qu’en Tunisie ou dans le monde arabe, où on n’en fait pas tout un plat. En tant que productrice, je n’ai pas eu plus de problèmes qu’un homme producteur. Au contraire. J’ai même peut-être bénéficié d’un certain paternalisme, comme j’étais jeune et la seule femme. Et comme j’ai été dans un ancien lycée de garçons, je connais des gens très variés dont certains sont devenus ministres. J’avais un réseau d’hommes et ai été cooptée par des hommes. J’ai eu beaucoup de chance, peut-être plus qu’un homme.
Dora Bouchoucha : “On demande aux femmes d’être le porte-drapeau de toutes les femmes” —Le Point
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Copyright protected by Digiprove © 2019- Le 13 août est un jour férié en Tunisie depuis l’année 1966 quand à la fête de la « Achoura » commémorée jusqu’alors le 10ème jour de moharrem (calendrier hégirien) a été substituée en vertu du Décret n°1965-0410 du 30 août 1965, la commémoration de la publication du code du statut personnel promulgué neuf ans plus tôt. La Achoura est une importante fête religieuse commémorée par les juifs, les musulmans chiites et les musulmans sunnites quoiqu’avec des significations différentes. Voir Glossaire
- En dépit du choix du 13 août, fête de la femme en Tunisie, pour l’annonce de la création de la commission COLIBE, sa création et la désignation de ses membres, les objectifs assignés et annoncés couvraient, a priori, un champ bien plus vaste que celui de la femme.
- La date indiquée en face du nom du membre est celle de la mise en ligne sur le site. Elle est différente de la date à laquelle est classé l’article sur le site et qui correspondant à la date de la création de la Commission Colibe soit le 13 août 2017.
- « Égypte : Hommage à Dora Bouchoucha à El Gouna Film Festival », consulté le 14 juin 2019, http://kapitalis.com/tunisie/2018/09/21/egypte-hommage-a-dora-bouchoucha-a-el-gouna-film-festival/
- M. Ahmed Bahaeddine Attia, décédé en 2007, a produit des longs-métrages tunisiens et arabes qualifiés de très audacieux par les critiques de cinéma, et a largement contribué à l’éclosion d’un cinéma tunisien et produit des films engagés à succès sur la condition des femmes et des enfants : « Le silence du Palais » de la réalisatrice Moufida Tlatli et « Poupées d’argile » de Nouri Bouzid.
- « Dora Bouchoucha : Une icône tunisienne – Ahram Hebdo », consulté le 13 juin 2019, http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/1245/9/44/29467/Dora-Bouchoucha–Une-ic%C3%B4ne-tunisienne.aspx.
- « Dora Bouchoucha : “On demande aux femmes d’être le porte-drapeau de toutes les femmes” —Le Point », consulté le 13 juin 2019, https://www.lepoint.fr/culture/dora-bouchoucha-on-demande-aux-femmes-d-etre-le-porte-drapeau-de-toutes-les-femmes-29-09-2018-2258828_3.php
- Comme Madame Dora Bouchoucha avait était décorée des insignes d’Officier de l’Ordre de la République en 2016, le Président de la République, dans le respect des dispositions du Code des Décorations, ne pouvait, a priori, la décorer du grade supérieur, celui de Commandeur, en raison d’une disposition stipulant que la promotion à une classe supérieure exige une ancienneté de cinq années (art. 8 de la Loi n° 97-80 du 1er décembre 1997, portant promulgation du code des décorations). Néanmoins, le même article prévoit, qu’à titre exceptionnel, l’ancienneté de 5 ans n’est pas exigée. L’article prévoit aussi la possibilité d’accorder un grade sans passer par le grade inférieur. Le Président de la République, Grand Maître de l’Ordre, recourra à cette disposition pour accorder directement le grade de Commandeur à quatre autres membres de la Commission.
- Source: https://www.tunisienumerique.com/tunisie-audio-un-membre-de-la-colibe-commente-le-refus-du-conseil-de-la-choura-dennahdha-de-legalite-dans-la-succession/
- « Dora Bouchoucha : “Personne n’avait voix au chapitre” – Sud Ouest.fr », consulté le 14 juin 2019, https://www.sudouest.fr/2011/08/24/personne-n-avait-voix-au-chapitre-481175-4778.php.
- « Jeunes artistes tunisiens : arrestations en série – Libération », consulté le 14 juin 2019, https://www.liberation.fr/planete/2013/09/26/jeunes-artistes-tunisiens-arrestations-en-serie_934960.