Slim Laghmani, le philosophe du droit de la COLIBE

M. Slim Laghmani

Exorde

La Commission pour des libertés individuelles et l’égalité – COLIBE – a été créée , selon les sources officielles, à l’initiative du Président de la République Tunisienne en date du 13 août1 2017 afin d’élaborer un rapport sur les réformes liées aux libertés individuelles et à l’égalité, par référence aux dispositions de la Constitution de la République Tunisienne du 27 janvier 2014, aux normes internationales des droits de l’homme et aux nouvelles orientations dans le domaine des libertés et de l’égalité. Elle est composée de neuf membres 2 . Le rapport de la Commission remis à la Présidence de la République en date du 8 juin 2018 ne présente pas ses membres ni ne décrit les modalités de leur désignation ou les thèmes et sections du rapport dans lesquels ils sont plus particulièrement intervenus. Pour la plupart, les membres de la Commission sont des personnalités connues dans leurs domaines de spécialités avant qu’ils ne deviennent membres de la Commission ; une riche documentation les concernant est disponible : ouvrages, interviews, participations aux manifestations publiques, cursus académiques « wikipédiens » ou « linkiediniens », critiques, réalisations dans leurs domaines de spécialité et d’intérêt. Il ne sera pas question ici de reproduire ces informations mais de tenter de reconstituer le profil des membres de la commission dans la perspective d’une meilleure compréhension des propositions de la Commission en matière d’égalité dans l’héritage et, accessoirement, des libertés individuelles.

Cet article fait partie d’une série d’articles classés par ordre alphabétique comme suit 3  :

  1. Mme Bochra Bel Haj Hmida, également présidente de la commission, en cours
  2. Mme Dora Bouchoucha (7 juillet 2019)
  3. M. Karim Bouzouita, (8 juilet 2019)
  4. M. Abdelmajid Charfi, (18 juillet 2019)
  5. Mme Ikbal Gharbi (11 juillet 2019),
  6. M. Malek Ghazouani, en cours
  7. Mme Saloua Hamrouni, en cours
  8. M. Slaheddine Jourchi, en cours
  9. M. Slim Laghmani, (26 juillet2019) auquel est dédié le présent article

Slim Laghmani, Loghmani, Lagmani… trois variantes du nom sans que l’on puisse vraiment les associer à des périodes de la vie publique de l’universitaire même si statistiquement l’« o » semble avoir couvert davantage la période qui précède la « Révolution » de 20144. Aucune page bibliographique, aucun article Wikipédia… ne lui est consacré, le profil LinkedIn est minimal. Le Pr Slim Laghmani gère en personne sa page Facebook qui devient ainsi son principal canal d’expression, où il choisit ses amis et où il publie ses positions politiques et commentaires de l’actualité parfois relayés dans la presse à laquelle il accorde régulièrement des interviews. Il participe, depuis la révolution de janvier 2011, à des débats sur l’actualité politique même si ces derniers n’ont pas toujours de rapport avec ses domaines de spécialité5.


Résumé

Le Pr Slim Laghmani, professeur en Droit, à la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis dont il a dirigé le département de droit public de 1996 à 2002 et à l’université de droit du 7 novembre de Carthage6 dont il a été l’un des 7 membres du Conseil scientifique et où il enseigne le droit international, la philosophie du droit, les droits de l’homme et le droit constitutionnel comparé.

Le Pr Slim Laghmani fait partie, depuis l’obtention de son doctorat de droit en 1990, d’un groupe d’intellectuels — principalement des enseignants universitaires — que le dictateur Ben Ali « enfui » le 14 janvier 2011 avait mis en « sourdine » 7 après les avoir quelque temps préservés lorsqu’à sa politique hégémonique, ils ne s’opposaient où lors des premières années lorsqu’aucun ne préjugeait qu’un jour, un dictateur et un oppresseur des droits et des libertés il deviendrait. Le dictateur, plus ou moins pris au dépourvu à la fin de l’année 2010 par des mouvements populaires qu’il n’a pu maîtriser comme à l’accoutumée, prévoyait de les « réhabiliter » comme il l’avait annoncé dans son dernier discours du 13 janvier si sa virée à Jeddah, en Arabie saoudite, n’avait été qu’un simple aller contrairement à ce qu’il croyait ou a voulu faire croire8. Son Premier ministre Mohamed Ghannouchi, maintenu quelque temps après lui, appliquera la feuille de route arrêtée par le Président extirpé en désignant les plus imminents d’entre eux qui, à leur tour, rappelleront leurs disciples et partisans.

Le Pr Slim Laghmani bénéficiera de cette réhabilitation à travers Yadh Ben Achour9 qui sera le premier à le coopter ainsi que son frère cadet, Rafaâ Ben Achour10]. Yadh Ben Achour — son directeur de thèse à deux occasions en 1981 et 199011 12 — recrutera immédiatement son élève pour le désigner en tant que Président de la « Sous-commission des Libertés publiques, des partis politiques et des Associations » de la Commission nationale supérieure sur la réforme politique au sein de l’ISROR13. Les observateurs retiendront notamment de la participation du Pr Slim Laghmani aux travaux de l’ISROR, sa contribution à la préparation du décret-loi promulgué par le président intérimaire Foued M’bazaâ, permettant à un parti de devenir légal simplement à partir du moment où il dispose de l’accusé d’envoi d’une lettre avec accusé de réception par lequel il se déclare s’être constitué14 15

Le Pr Slim Laghmani a représenté le Ministère de la Santé publique au Comité national d’Éthique médicale de 2014 à 201716. Il est également membre du Conseil scientifique du Réseau universitaire européen dédié à l’étude du droit de l’Espace de liberté, sécurité et justice (ELSJ) en tant que directeur du Laboratoire de recherches « Droit de l’Union européenne et relations Maghreb-Europe » (2001-2013)17.


Devise/Citation/Pensée

Loin des préoccupations du partage égalitaire des successions, objet de cette rubrique de la fiche de présentation du membre visant à donner un autre éclairage sur la personne et les idées, le Pr Slim Laghmani, fera remarquer pertinemment qu’en Tunisie après la « Révolution » le dégagisme qui un temps était applaudi, car il visait les corruptions et les corrompus a lui aussi, était détourné par ceux-là mêmes qui en étaient ciblés et, retournement de situation, « dégager » son supérieur c’est aussi s’affranchir de l’obligation de probité et d’honnêteté et s’ouvrir les voies de la permissivité, l’amoralité et la corruption sans risque d’être inquiété :

« La figure du supérieur hiérarchique a été fragilisée par la révolution, par la fameuse injonction « Dégage ! » , car pesait sur lui une présomption de fasad [« corruption »]. Évidemment, ce « Dégage ! » n’est pas venu de nulle part, car Ben Ali avait politisé l’Administration. Cependant, par la suite, beaucoup y ont vu une opportunité et se sont engouffrés dans la brèche. Contester son supérieur est devenu un moyen d’échapper à ses obligations. Aujourd’hui, le pli est pris, certains supérieurs sont tétanisés et ne peuvent plus circuler dans leurs services de peur d’être offensés par leurs subordonnés. »

JeuneAfrique.com (blog), 29 décembre 2015 18

Distinction nationale

Le Pr Slim Laghmani recevra en 1990 le prix du 7 novembre du Président de la République pour sa thèse de doctorat de droit intitulée « Discours fondateur du droit des gens » dont Yadh Ben Achour a été le directeur de thèse19 et qui lui a permis d’intégrer rapidement l’élite des intellectuels et universitaires tunisiens de Ben Ali, celle des toutes premières années de sa présidence, celles de l’état de grâce que les Tunisiens lassés d’une dictature trentenaire croyaient qu’il allait perdurer, celles du temps où le dictateur en gestation prônait encore l’ouverture démocratique et la normalisation.


Commandeur de l’Ordre de la République depuis le 13 août 2018 en reconnaissance de sa participation aux travaux de la COLIBE 20.

M. Slim Laghmani, décoré des insignes de l'Ordre de la Réublique de Tunisie
13 août 2018 – Le Président de la République Béji Caïd Essebsi décore Slim Laghmani des insignes de Commandeur de l’Ordre de la République.
Source: Présidence de la République Tunisienne

Droit des successions

Le Pr Slim Laghmani malgré les multiples domaines où il s’est investi n’est pas vraiment un spécialiste du droit musulman des successions même si à quelques reprises, il a eu l’occasion d’aborder la question ; deux d’entre elles méritent une attention dans cette présentation. Elles sont présentées ante chronologiquement.

La loi instituant l’égalité successorale est irréprochable d’un point de vue constitutionnel

Bien avant qu’elle ne lui ait été sollicitée si jamais il avait été élu à la Cour Constitutionnelle, le Pr Slim Laghmani a tenté de faire la démonstration établissant l’absence de non-constitutionnalité de la loi relative à l’égalité dans l’héritage qu’a proposée sa Commission au Président de la République et qui, sur la base de cet avis et de celui, tout aussi important, des autres membres, s’est empressé, à son tour, de la présenter à l’ARP pour son adoption après avoir, au passage, bénéficié de l’aval du gouvernement. La démonstration du Pr Slim Laghmani ne figurera pas dans le rapport de la Commission finalisé en 2018, mais sera présentée lors d’une conférence sur l’égalité des genres tenue à Malte le 6 février 2019 à l’Académie méditerranéenne des études diplomatiques (MEDAC)21.

Suffirait-il comme l’affirme l’article premier de la Constitution de la République tunisienne qui énonce que « La Tunisie est un État libre, indépendant et souverain, l’islam est sa religion, l’arabe sa langue et la République son régime » pour que les dispositions du droit positif contraires aux prescriptions coraniques — comme c’est précisément le cas de la loi établissant l’égalité de l’héritage — soient déclarées non constitutionnelles ? Non, affirme le Pr Slim Laghmani, l’article 1er « ne peut être interprété comme faisant obstacle à l’égalité hommes-femmes en matière d’héritage », car,établit-il, même si l’article confirme que « l’islam est aussi bien la religion de la majorité des Tunisiens que la religion de l’État », l’État tunisien n’est pas un État confessionnel dès lors que :

  1. aucun autre article de la Constitution ne prévoit que la chari’â est une source de la législation
  2. l’article 2 de la Constitution prévoit que la Tunisie est un État civil.

Et donc, conclut-il, si la chari’â n’est pas une source ou une source principale du droit, il importe peu que des dispositions du droit positif y soient contraires ou non ; c’est comme si la chari’â n’avait pas d’existence pour établir la constitutionnalité d’une loi fusse-t-elle celle d’un pays dont la religion d’État est l’islam.

En fait de démonstration, le Pr Slim Laghmani n’en fait pas une réellement, mais tente rapidement en empruntant des raccourcis d’interpréter des définitions qu’il ne donne pas formellement comme celle du concept d’« État confessionnel » par exemple. Il s’appuie beaucoup sur les débats préliminaires et les différents projets de la Constitution pour expliquer les dispositions de la Constitution, son esprit.

Dans ces conditions, l’observateur, ne peut s’empêcher de rapprocher le « scellement de la prophétie de l’extérieur » du Pr Abdelmajid Charfi22 qui aboutit à une religion sans Dieu, à l’Islam sans Coran que conçoit le Pr Slim Laghmani. Ainsi a-t-il pu considérer que la Tunisie pourrait faire adopter, par les Représentants du Peuple, ses députés, des lois comportant des dispositions contraires aux prescriptions coraniques bien que l’islam soit, selon la Constitution, la religion d’État et de celui de la majorité de sa population. Le détour par la chari’â, supposée pour simplifier comprendre Coran en premier et en second lieu la Sunna (tradition du prophète), n’est d’aucune réelle utilité dans la « démonstration », mais sert d’artifice afin d’éviter de rappeler que les dispositions contraires qu’on cherche à « valider constitutionnellement », s’agissant de l’égalité successorale ne s’opposent pas à des inventions d’oulémas ou à des traditions du Prophète, hadiths, plus ou moins contestés, mais exclusivement au Coran. La chari’â incluant par définition le Coran, la pirouette sophiste, permet astucieusement de rendre non contraires à la chari’â des dispositions qui le sont pour son principal composant, le Coran, tout en évitant de l’évoquer pour un État dont la religion est l’Islam et donc son livre le Coran.

L’Islam sans Coran que conçoit le Pr Slim Loghmani s’intègre dans le registre des « nouvelles pensées islamiques » qui de l’Islam empruntent l’expression, la désignation pour en faire un sujet de réflexion pour l’exclure finalement et l’écarter afin de désacraliser la religion et instaurer l’irréligion, un islam sans lois, une religion sans Dieu, sans sacré, sans paroles, sans écrit, sans Livre pour peu que la Constitution soit sauve des lois qui y contreviendront et dans le cas d’espèce, de la loi supposée instaurer l’égalité dans les successions.


Le droit de s’émanciper de l’ijtihâd passé

On ne peut réellement déduire un raisonnement ou une construction logiques à partir de propos exprimés à l’occasion d’une interview. Toujours est-il qu’à l’occasion d’un entretien accordé à un quotidien local23 au sujet de l’ijtihâd auquel se serait livré la commission COLIBE, le Pr Slim Laghmani déclarera afin de justifier l’« aptitude » de celle-ci de proposer l’égalité en matière de succession comme si elle s’attribuait un droit d’interpréter les dispositions scripturaires :

  • Ce n’est pas à destination de l’État que des prescriptions ont été émises, car, le verset « Allah vous enjoint au sujet de vos enfants : au fils, une part équivalente à celle de deux filles… » s’adresse directement aux détenteurs du patrimoine
  • Les destinataires sus-désignés n’ont pas été en mesure de mettre en application l’injonction qui leur a été faite, car, « un certain hadith » a été privilégié afin de limiter les possibilités de tester des détenteurs de patrimoines
  • Les parts fixées dans le Coran peuvent s’analyser, rappelle le Pr Slim Laghmani, en tant que parts minimales pour la femme héritière ou des parts maximales… « le texte n’est pas clair »

En d’autres termes, selon les propos rapportés dans l’interview du Pr Slim Laghmani, il est possible de ne pas tenir compte des interprétations données depuis des siècles par les oulémas, car les versets coraniques ne sont pas clairs et le seraient-ils, un hadith du Prophète est venu limiter voire annuler leur possibilité d’application.

Un observateur pourrait faire remarquer que les idées du Pr Slim Laghmani ne sont pas très claires, du moins telles qu’elles ont été rapportées par le quotidien sans qu’à ce jour des rectifications n’y soient apportées. En effet, il pourrait être signalé au Pr Slim Laghmani, que :

  • Le verset relatif au legs n’est pas celui qu’il cite, mais se trouve dans la Sourate de la Vache et s’énonce comme suit : « On vous a prescrit, quand la mort est proche de l’un de vous et s’il laisse des biens, de faire un testament en règle en faveur de ses père et mère et de ses plus proches. C’est un devoir pour les pieux. »
  • La limitation du pouvoir de tester qu’aurait apporté un « certain hadith » du Prophète ne signifie pas que nécessairement les testaments qui auraient été autrement faits, s’il en était, auraient prévu, selon la volonté des « propriétaires des patrimoines », des parts égalitaires entre les fils et les filles voire même des parts tout court pour les filles.

L’observateur pourrait aussi relever que le Pr Slim Laghmani retient, dans les deux avis qu’il a émis, des hypothèses sous-jacentes qui ne sont pas tout à fait cohérentes, car, lorsqu’il s’agissait d’établir l’absence de non-constitutionnalité du projet de loi établissant l’égalité, l’hypothèse implicitement faite était que le contenu de la loi était effectivement contraire aux préceptes charaïques et donc que ces préceptes sont connus, bien établis et qu’ils pouvaient être confrontés à un texte. Par contre, lorsqu’il s’est agi de justifier l’égalité en matière de succession afin d’ouvrir la voie à la préparation du projet de loi, parmi les arguments retenus à cet effet, c’est le contenu même des dispositions charaïques et leurs conditions d’application et d’interprétation qui ont été remis en cause. Les dispositions charaïques ne peuvent, à la fois, être acceptées, dans un premier temps, comme étant suffisamment authentiques pour servir d’élément référent dans une comparaison puis être considérées, ensuite, comme plutôt confuses et insuffisamment claires et mal comprises lorsqu’il s’agit de porter un jugement à leur sujet afin de les réinterpréter.

Au regard des avis donnés, des hésitations aussi, il est peu plausible que le Pr Slim Laghmani ait eu une contribution utile et confirmée dans la préparation des dispositions techniques qui ont été prévues dans le projet de loi relative aux modalités de partage des parts entre les fils et les filles, le père et la mère, les conjoints et les frères et sœurs. La technique retenue et les arguments avancés, pas toujours les motifs réels des modifications introduites dans les modalités de partage, nécessitent une certaine expertise en matière de droit de succession dont le Pr Slim Laghmani ne semble disposer du moins autant qu’il est possible de le déduire de ses écrits, commentaires et interventions. Il reste que le Pr Slim Laghmani a eu beaucoup de mérite d’avoir essayé de vulgariser la position de la Commission afin de justifier les propositions formulées en essayant de sortir des sentiers battus et rebattus par les mouvements féministes, progressistes et les lobbies locaux ou étrangers qui défendent démagogiquement l’égalité successorale et la desservent bien davantage qu’ils ne contribuent à faciliter son instauration et son adoption citoyenne.


Expression politique publique

Le Pr Slim Laghmani a eu l’occasion avant la révolution de 2011 d’afficher, à un moment donné, une proximité avec le régime du dictateur déchu ainsi que l’illustre son « opinion politique » publiée dans un billet daté du 1er mars 2002 où il expose les motifs raisonnables d’un dernier soutien au Président Ben Ali à l’occasion de la réforme de la Constitution qu’il avait engagée cette année-là en prévision des élections présidentielles prévues en 200424 et qu’il soumettait à un référendum. Le Pr Slim Laghmani qui approuvait les amendements qu’il était envisagé d’apporter à la Constitution de 195925, peut-être pour avoir pris une part active dans leur élaboration, avait alors fustigé la « culture politique moyenâgeuse » tant des thuriféraires du pouvoir que de l’opposition ainsi que de l’élite intellectuelle qu’ils appelaient à sortir de leur attitude systématique de dénigrement du gouvernement. La naïveté ne peut être invoqué, au contraire, un universitaire de la trempe du Pr Slim Laghmani ne pouvait ne pas envisager toutes les éventualités surtout que dans son billet il avait annoncé le prochain verrou qui allait sauter, celui de l’âge que le dictateur n’hésitera pas un instant à lever afin de se présenter en 2009 pour la dernière fois avant d’être chassé. Il est probable que le Pr Slim Laghmani a du reconnaître quelques années plus tard ses erreurs d’appréciation, car, comme beaucoup d’autres, il finira par être écarté par ce dictateur qui a tout fait pour conserver le pouvoir, Mezri Haddad citant Mohsen Toumi n’a-t-il pas rappelé qu’

« Il ne suffit pas d’accéder au pouvoir. D’abord, il faut le conserver. Ensuite, il faut savoir quoi en faire et au profit de qui »26

Mohsen Toumi cité par Mezri Haddad

Slim Laghmani a été adhérent au Mouvement ETTAJDID, un parti politique tunisien de centre gauche.


À distinguer

Slim Laghmani croyant s’engager dans une action d’utilité publique et de vulgarisation des propositions de la COLIBE déclarera « s’être fait piéger » lorsqu’il acceptera au début du mois de novembre 2018 à la demande d’une collègue de participer à une réunion organisée par une association27 qui s’est avérée être une antenne de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA), surtout connue en Tunisie pour ses engagements prosionistes sous couvert de lutte contre l’antisémitisme. Ce mini-scandale, s’il en est, aura eu l’avantage de porter à la connaissance du public l’existence de la LICRA-Tunisie qui déjà au mois de mai sans qu’aucun écho n’y soit fait ou qu’elle ne soit dénoncée, avait rencontré des députés de l’Assemblée des Représentants du Peuple28.

Capture d’écran de la page Facebook de Slim Laghmani effectuée le 26 juillet 2019

La collègue à laquelle il rendait service, Salwa Hamrouni, est aussi une membre de la COLIBE. Il est pour cette dernière ce que Yadh Ben Achour a été pour lui : son directeur de thèse en 1996 29. Salwa Hamrouni et Slim Laghmani, aujourd’hui, enseignent tous deux le droit à l’Université de Carthage. Les deux universitaires ont poursuivi leur collaboration dans de multiples domaines30. Cette proximité interpelle dans la mesure où il s’agit du second doublon constaté au niveau de la composition de l’équipe d’experts de la COLIBE après les deux anthropologues — Karim Bouzouita et Ikbal Gharbi — voici deux autres experts encore plus proches dans leur domaine : le droit avec une spécialisation des deux en droits humains, dont l’un a été l’encadreur de l’autre. Leurs interventions et réponses aux commentaires et conférences tenues avant et après la remise du rapport de la COLIBE confirment l’identité de leur discours et la conformité de leurs argumentaires.

Une blague, c’est rire avec quelqu’un, pas de quelqu’un.

Le Pr Slim Laghmani, peut-être dans un excès de pédagogie, exercice où il excelle d’habitude avec ses étudiants et même sur les plateaux de télévision, pourrait avoir oublié ce principe quand, lors d’une conférence de présentation du rapport de la COLIBE à la rédaction duquel il a participé et dont l’objet était de réduire les discriminations et de contribuer à renforcer les droits humains, fera rire des homosexuels son auditoire par des propos homophobes en leur signifiant avec une pointe de dérision, contemption et malice que la commission COLIBE en proposant de dépénaliser l’homosexualité, a surtout cherché à éviter que les homosexuels ne soient jetés en prison comme ils le sont aujourd’hui, voire comme ils le souhaiteraient eux-mêmes puisqu’il s’agit de prisons bourrées… d’hommes. On ne sait si, au passage, il a aussi vilipendé les hommes qui remplissent les prisons. Dans tous les cas, cela n’affecte en rien la qualité des travaux de l’universitaire et son statut.

Le Pr Slim Loghmani au colloque sur le rapport de la COLIBE – Sfax le 22 juillet 2018 – Association Mouwatinet

Toutes les précautions ont été prises pour éviter les erreurs factuelles. Malgré les vérifications apportées et la communication des références des sources des informations exploitées, celles-ci peuvent subsister. et ne peuvent donc être exclues. Nous invitons toute personne intéressée à compléter l’article  dès sa publication et sa mise en ligne sur le site. Des commentaires pourront également être apportés bien entendu.

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  1. Le 13 août est un jour férié en Tunisie depuis l’année 1966 quand à la fête de la « Achoura » commémorée jusqu’alors le 10ème jour de moharrem (calendrier hégirien) a été substituée en vertu du Décret n°1965-0410 du 30 août 1965, la commémoration de la publication du code du statut personnel  promulgué neuf ans plus tôt. La Achoura est une importante fête religieuse commémorée par les juifs, les musulmans chiites et les musulmans sunnites quoiqu’avec des significations différentes. Voir Glossaire
  2. En dépit du choix du 13 août, fête de la femme en Tunisie, pour l’annonce de la création de la commission COLIBE, sa création et la désignation de ses membres, les objectifs assignés et annoncés couvraient, a priori, un champ bien plus vaste que celui de la femme.
  3. La date indiquée en face du nom du membre est celle de la mise en ligne sur le site. Elle est différente de la date à laquelle est classé l’article sur le site et qui correspondant à la date de la création de la Commission Colibe soit le 13 août 2017.
  4. La faible fréquence des « o » comparée à celles des « a » pourrait aussi s’expliquer par la relative rareté des publications encore accessibles au public où, comme pour un autre membre de la COLIBE, un effort de dépublication semble avoir été entrepris après la révolution où pratiquement seuls les reproductions et les publications sauvegardées dans la mémoire du WEB restent encore disponibles.
  5. On trouvera une liste des travaux du Pr Slim Laghmani sur le site IdRef (Identifiants et Référentiels pour l’Enseignement supérieur et la Recherche), https://www.idref.fr/034093222#
  6. Débaptisée après le 14 janvier 2011 en « Université de Carthage », l’université était surtout connue pour abriter la fine fleur des enseignants et universitaires tunisiens, notamment ceux qui défendaient, publiquement ou non, le régime de Ben Ali.
  7. Mohamed Talbi, Abdelmajid Charfi, Youssef Seddick, Yadh Ben Achour, Sadok Belaïd, Neïla Sellini, Hamadi Rédissi, Yareb Marzouki, Slim Laghmani, Fethi Ben Slama.
  8. « La fuite de Ben Ali racontée par Ben Ali », Le Monde.fr, 14 janvier 2014, https://www.lemonde.fr/tunisie/article/2014/01/14/la-fuite-de-ben-ali-racontee-par-ben-ali_4347605_1466522.html.
  9. Juriste tunisien, spécialiste de droit public et des théories politiques islamiques. Ancien doyen de la faculté des sciences juridiques de Tunis, Ancien président de la Haute Instance de la Révolution, Membre du Comité des droits de l’homme des Nations Unies. Source : « Blogger: Profil d’utilisateur : Yadh Ben Achour », consulté le 25 juillet 2019, https://www.blogger.com/profile/12708129071947755044.
    Yadh Ben Achour, le fils ainé de la fratrie Ben Achour, qui jouera un important rôle dans la période postrévolutionnaire et notamment dans les premiers mois qui l’ont suivie. Il est considéré, selon les biographies dont il a autorisé la publication, en tant que « juriste et universitaire spécialiste des théories politiques islamiques et de droit public ». Choisi par le dictateur Ben Ali qui lors de son dernier discours a décidé de la création d’ « une commission de réforme des textes et des institutions » chargée de « nettoyer » le droit tunisien de ce qu’il a pouvait comme dispositions contraires aux libertés et au libre exercice de la démocratie, il sera confirmé immédiatement à la tête de la commission par le premier ministre du dictateur déchu. Par suite des accords et des compromis, notamment avec le premier syndicat des travailleurs (l’UGTT), Yadh Ben Achour, un temps contesté ainsi que sa commission, réussira à maintenir la commission créée par le dictateur en la fusionnant avec les révolutionnaires et représentants de partis et d’associations réunis au sein du Conseil pour la protection de la révolution pour devenir la Haute instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la transition démocratique (ISROR ou HISROR).
  10. Rafaâ Ben Achour, universitaire juriste, a été nommé le 7 mars 2011 comme ministre délégué auprès du Premier ministre, provisoire, Béji Caïd Essebsi désigné par consensus suite au dégagement de Mohamed Ghannouchi, premier ministre constitutionnel du dictateur après sa fuite à l’étranger et la vacance du pouvoir. Rafaâ Ben Achour jouera un important rôle dans la période postrévolutionnaire avec notamment ses participations et interventions dans la promulgation de plusieurs décrets-lois au moment où le pouvoir législatif a été mis sous l’éteignoir et qu’une équipe de « techniciens » dirigée par son frère Yadh Ben Achour, parfois sans aucune consultation, a procédé à leur rédaction et présentation pour promulgation.
  11. M. Yadh Ben Achour a dirigé en 1981, les travaux du mémoire du diplôme des études approfondies en droit public de l’étudiant Slim Laghmani portant sur « Les aspects internationaux de l’affaire de Gafsa » soutenu à la Faculté de droit et des sciences politiques et économiques de Tunis. Source : http://www.biruni.tn
    Neuf ans plus tard, Yadh Ben Achour sera le directeur de thèse de Slim Loghmani : « Le discours fondateur du droit des gens »,  Faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis, juin 1990.
  12. Un extrait de la thèse, sans réel lien avec les aspects juridiques que l’auteur traite a été repris dans les blogs d’hommes politiques traitant de la période bourguibienne sous l’intitulé l’« Affaire de Gafsa » par Slim Laghmani, http://www.habib-bourguiba.net/laffaire-de-gafsa-par-slim-laghmani-janvier-1980/. La référence complète est « Aspects internationaux de l’affaire de Gafsa » / Slim Laghmani.- Tunis: Faculté de Droit et des Sciences Politiques et Economiques de Tunis, 1981.- 160 p.; 28 cm.-(Mémoire: DEA: Droit public: Tunis: 1981)
  13. Rafaâ Ben Achour et Slim Laghmani engageront une longue collaboration à partir de 1994, lorsqu’ils assureront la codirection de la collection Rencontres internationales de la Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, huit volumes ont été publiés par les éditions Pedone. Avec Yadh Ben Achour, Slim Laghmani
  14. « Pourquoi il faut déboulonner le RCD ? », Revolutiontunisie’s Blog (blog), 17 janvier 2011, https://revolutiontunisie.wordpress.com/2011/01/17/pourquoi-il-faut-deboulonner-le-rcd/.
  15. Le décret-loi n° 2011-88 du 24 septembre 2011, portant organisation des associations : https://www.jurisitetunisie.com/get_jort.php?fichier=DL2011_0088-F2011_074.pdf
  16. « :Ethique Médicale »:, consulté le 25 juillet 2019, http://www.comiteethique.rns.tn/ethique/Membres.html.
  17. « Notre réseau », Groupe de Recherche – Espace Liberté Sécurité Justice (blog), consulté le 25 juillet 2019, http://www.gdr-elsj.eu/notre-reseau/.
  18. « Tunisie : Béji Caïd Essebsi est-il parvenu à restaurer l’autorité et le prestige de l’État ? », JeuneAfrique.com (blog), 29 décembre 2015, https://www.jeuneafrique.com/mag/287919/politique/tunisie-beji-caid-essebsi-parvenu-a-restaurer-lautorite-prestige-de-letat/.
  19. Malgré son importance et qu’elle ait été récompensée et primée, la thèse n’a pas encore été publiée et n’est accessible qu’à un public universitaire.
  20. Décret n° 2018-0081 du 13 août 2018 paru au JORT n° 67-68 des 21 et 24 août 2018.
  21. La MEDAC n’accordera quasiment aucune couverture de l’évènement excepté une demi-page dans le numéro 28 de sa lettre d’information pour signaler l’évènement, le site de la MEDAC – https://www.um.edu.mt/medac – ne le référencera pas et une erreur 404 s’affiche à la page de présentation de la conférence https://tinyurl.com/y56el46y. Les développements qui suivent n’ont été rendu possible que grâce à la mise en ligne par la revue Leaders du contenu intégral de la conférence donnée par le Pr Slim Laghmani : « Slim Laghmani : L’égalité hommes-femmes en matière d’héritage d’un point de vue constitutionnel », Leaders, consulté le 24 juillet 2019, https://www.leaders.com.tn/article/26471-slim-laghmani-l-egalite-hommes-femmes-en-matiere-d-heritage-d-un-point-de-vue-constitutionnel.
  22. ʿAbd-al-Maǧīd aš-Šarafī et André Ferré, L’Islam: entre le message et l’histoire, Spiritualités (Paris: Michel, 2004).
  23. Par Olfa Belhassine, « Tunisie: Slim Laghmani – « L’égalité successorale : une affaire de pouvoir au sein de la famille » », allAfrica.fr, 9 septembre 2018, https://fr.allafrica.com/stories/201809090232.html.
  24. « Expression d’une opinion politique Par Slim Laghmani – TUNISIA Watch », 11 novembre 2013, https://web.archive.org/web/20131111223837/http://www.tunisiawatch.com/?p=3921.
  25. Le projet d’amendement de la Constitution visait à supprimer notamment la limitation à 3 du nombre de mandats électoraux introduite en 1988 et à repousser à 75 ans la limite d’âge maximum d’éligibilité du candidat à la présidence, au lieu de 70 ans précédemment. La réforme institue l’irresponsabilité pénale du président : le président bénéficie d’une immunité juridictionnelle durant l’exercice de ses fonctions mais aussi après la fin de l’exercice de celles-ci.  Le référendum est validé le 26 mai 2002 avec 99,52% des voix !
  26. Mohsen Toumi, La Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, 1re éd, Politique d’aujourd’hui (Paris: Presses universitaires de France, 1989). cité dans Mezri HADDAD, « Tentation totalitaire en Tunisie – Libération », consulté le 25 juillet 2019, https://www.liberation.fr/tribune/1996/08/09/tentation-totalitaire-en-tunisie_180036.
  27. Dont un site français avait attribué faussement la présidence honorifique à Habib Kazdaghli, historien, ancien doyen de la faculté des Lettres de La Manouba et membre élu de la direction du parti politique Al Massar.
  28. Licra, « Licra Tunisie », La France aux antiracistes (blog), 17 mai 2018, http://lafranceauxantiracistes.com/index.php/2018/05/17/licra-tunisie/.
  29. L’organisation des nations-unies et la démocratie – Mémoire présenté et soutenu en vue de l’obtention du Diplôme d’Études Approfondies en Droit Public et Financier – Par Salwa Hamrouni Sous la Direction du Professeur Slim Laghmani, 1996
  30. Slim Laghmani et Salwa Hamrouni cosigneront  en 2005 avec Ghazi Gheraïri un ouvrage sur le droit international « Affaires et documents de droit international ». En 2009, il préfacera son livre sur « Le droit international à l’épreuve de la bioéthique ». Les deux membres de la COLIBE occupent des postes de responsabilité au sein de la même ONG : l’Association tunisienne de droit constitutionnel, Slim Laghmani étant son président et est secondé par Salwa Hamrouni en tant que secrétaire générale.

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